Ri Shin est une personne étrange, indéchiffrable. Bien qu’abordant toujours un petit sourire en coin, charmeur et enfantin, il est impossible de savoir ce à quoi il pense réellement. Ses lèvres auront beau sourire, rien ne pourra y faire, ses yeux obscurs inspirent sans cesse la crainte, brillant d’une étrange lueur, semblables à ceux d’un chat, rieurs et perçants. De ce fait, le jeune homme inspire rarement la confiance aux personnes l’approchant. Et nous pouvons dire que ce sentiment de malaise vis-à-vis de lui est totalement fondé. Personne ne devrait faire confiance à Ri Shin. De la même façon qu’il ne fait confiance à personne.
Malgré les apparences posées et froides qu’il ne se donne, le Shadow est très caractériel, étant sujet à des sauts d’humeurs aussi fréquents que violents. Il n’est donc pas rare de le voir passer de l’amusement à la colère, une colère noire et ravageuse. Dans son milieu « professionnel » Ri Shin est réputé pour cette instabilité maladive qui l’a hissé, peu à peu, dans de hautes sphères. Faire souffrir les autres lui importe peu et ne semble pas lui causer de quelconques états d’âmes. Il est parfaitement conscient que ses mains ne sont plus vraiment propres, tout comme son corps, qui a été sali depuis déjà bien longtemps… Voler, frapper, enlever, tuer, tout cela ne semble l’ébranler. La vie n’est pas douce, de la même façon que le monde n’est pas beau. Partout où il y aura de la vie, il y aura deux types d’individus ; les victimes et les bourreaux. Durant toute son enfance, Ri Shin a vécu en victime. Jusqu’à ce que cela change. Très vite, il a compris que l’espoir ne servait à rien, que jamais il n’obtiendrait ce qu’il voulait si ardemment. Les « bons » qui se battaient pour des idéaux qu’ils n’atteindraient jamais n’étaient que des imbéciles. S’il voulait vivre, non, survivre en ce monde, il savait qu’il fallait passer du côté des bourreaux.
Ayant été forcé de se prostituer alors qu’il n’était encore qu’un enfant, le jeune homme en garde encore aujourd’hui de nombreuses séquelles que personne ne soupçonne. Une sensibilité à fleur de peau, par exemple, qu’il tente de cacher par une attitude odieuse et cruelle. Ri Shin renferme au fond de lui une nature dépressive et fragile, celle d’un être fébrile exposé trop tôt à la violence des autres. Parfois pris dans des excès de folie délirante, il a tendance à devenir légèrement suicidaire, comme le prouve les nombreuses stigmates rosées ornant ses poignets et avant-bras. Oui, il n’est pas rare que l’envie de mourir le prenne subitement et ce depuis déjà une bonne dizaine d’années, lorsqu’il subissait de nombreuses atrocités sans jamais pouvoir s’en défendre. Personne ne connaît cette partie de lui qu’il s’efforce de réprimer avec douleur, ne convenant pas à son titre de mafieux et le rongeant peu à peu. Bien que Ri Shin se moque de faire souffrir, lui, ne supporte pas la souffrance, qu’elle soit physique ou psychologique.
Le jeune homme déteste les autres pour l’avoir façonné d’une manière si tordue et exécrable et n’hésite pas un seul instant à déverser cette fureur sur n’importe qui, bien que les Fantasy semblent de loin êtres ses victimes préférées. Il ne supporte pas les regards que ceux-ci jettent sur lui et ses semblables, les méprisants de leur air supérieur et hautain, sous prétexte qu’ils sont les « gentils » de l’histoire. Ri Shin ne supporte pas d’être regardé avec pitié et dégoût, et encore moins d’être jugé, même s’il le mérite amplement. S’il est devenu un Shadow à présent, ce n’est pas par hasard. Mais cela, personne ne semble le comprendre.
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« Il était une fois une belle princesse qui tomba amoureuse du prince charmant. Il l’emporta sur son cheval blanc et l’emmena vivre dans un magnifique palais. Ils se marièrent, eurent beaucoup d’enfants et vécurent heureux jusqu’à la fin des temps. »
Arrêtez de croire à ce mythe. Toutes les histoires ne commencent et ne se terminent pas de cette façon. Vous pensiez que la vie pouvait être aussi douce et le monde aussi beau ? Eh bien vous vous trompiez. La vie n’est pas douce. Le monde n’est pas beau. L’histoire que je vais vous conter n’est sûrement pas celle que vous voudriez entendre. Il n’y a pas de princesse, pas de prince, pas de palais et pas de joie. Il n’y a rien. Juste un vide, un vide béant obstruant les ténèbres.
Les parents de Ri Shin ne s’aimaient pas. C’était bien le cas de le dire. Sa mère était une pauvre femme infortunée, contrainte à vendre son corps pour pouvoir subsister et son père, un homme parmi tant d’autre, sans nom et sans passé, à la recherche d’un peu de chaleur humaine pour égayer une de ses nuits sans couleurs. Imaginez le scénario.
Neuf mois plus tard naquit Ri Shin qui fut aussitôt déposé dans un orphelinat, abandonné dans une prison de murs décrépits pour avoir commis le simple crime d’exister. Pauvre petit être chétif abandonné aux mains de sordides personnages. «
Quel atroce prix à payer pour avoir goûté au pêché de l’existence » aujourd’hui encore, cette phrase ne veut pas disparaître de ses pensées.
Ri Shin fut contraint de vivre dans cet endroit insalubre pendant des années, s’accrochant comme tous les autres pensionnaires de l’auspice à l’espoir de se faire un jour adopter. Mais, alors que tous ses camarades repartaient tour au tour aux bras d’une famille en quête d’amour à donner, le garçonnet restait toujours et encore à l’orphelinat, attendant une visite qui ne vint jamais. A cette époque, cet endroit ne représentait pour lui qu’un lieu morne et triste, n’abritant que des éducateurs violents et aigris, s’important bien peu de la santé et de l’éducation des orphelins. Ce n’est que plus tard, bien plus tard, qu’il se rendit compte à quel point cet endroit lui était insupportable.
Dix ans. Cela faisait déjà dix ans que le garçon avait franchi malgré lui les portes grillagées de l’immense bâtiment, portes qui lui semblaient si hautes et infranchissables. Lorsqu’il fermait les yeux, Ri Shin tentait d’imaginer ce qu’aurait pu être sa vie si le destin l’avait voulu placer dans une famille. Une véritable famille. Il se demandait si, de cette façon, le monde lui serait apparu comme plus beau, plus lumineux. Il se demandait tout ce qu’il aurait pu apprendre et voir de plus, toutes les choses bénéfiques qui se seraient présentées à lui. Tout ce qu’il aurait pu, peut-être, aimer. Tout ce qu’il aurait voulu avoir qu’il n’aurait jamais.
Les parents qui se présentaient à l’orphelinat ne l’aimaient pas. Ri Shin le savait. Il y avait quelque chose dans son regard qui inspirait la crainte, une étrange lueur qui illuminait ses yeux un peu trop perçants. Il dégageait une atmosphère qui n’inspirait pas confiance, un air bien malsain pour un enfant de son âge. Oui, il faisait tout simplement peur. Et cela ne lui échappait pas. Combien de fois s’était-il interrogé lorsqu’il contemplait son propre reflet dans un miroir ? Combien de fois avait-il pensé que « ce n’était pas normal » d’être si différent des autres ? Qu’effectivement, un je-ne-sais-quoi inquiétant irradiait de son être même. Et, il ne pouvait s’empêcher de détester cette différence qu’il n’expliquait pas. S’il n’avait pas eu ce regard semblable à celui d’un animal effarouché, jamais il n’aurait été rejeté tout en attirant sur lui une attention qu’il méprisait particulièrement…
Quelques mois à peine suivant sa dixième année, Ri Shin connu l’horreur. Une horreur telle qu’aucun mot ne semblait pouvoir la décrire. Un écœurement sans limite, une répugnance inexprimable.
L’orphelinat, lassé de s’occuper d’un enfant qui ne leur rapportait rien de plus qu’une charge supplémentaire, décida alors de rendre son existence un tant soit peu « rentable » et accumuler un minimum de bénéfice sur son dos. De la pire des façons. Proxénétisme. Malgré lui et sans aucun doute bien trop tôt, Ri Shin appris à détester ce terme.
De la viande. Le garçon avait cette impression, celle de n’être absolument rien d’autre qu’un misérable bout de viande que des prédateurs se disputaient, mordant dans sa chair même et s’en donnant à cœur joie. Il se sentait chaque jour, chaque soir un peu plus souillé, empreint d’une tâche difforme et obscure qui ne voulait pas s’estomper. Il ne supportait plus de sentir sur sa peau une odeur inconnue, l’étouffante chaleur qui émanait de toutes ces mains sales qui effleuraient son corps nu. Il avait l’impression de vivre un cauchemar éveillé, d’être prisonnier à l’intérieur d’un mauvais rêve, luttant et se débattant de toutes ses forces pour en venir à bout et se réveiller une bonne fois pour toutes. Il n’en pouvait plus, tout simplement.
Ce cauchemar dura cinq ans. Cinq longues et interminables années ou l’envie de mourir était plus forte que tout, omniprésente. C’est durant cette période que Ri Shin changea peu à peu, éprouvant un dégout incomparable envers le monde qui l’entourait. Envers la vie même…
Âgé de seulement quinze ans et ayant rempli à merveille son rôle d’objet sexuel, le jeune homme fut mis à la rue, considéré comme assez grand pour vivre de lui-même. Risible. Qui croyait véritablement qu’un garçon tel que lui, frêle et brisé, était capable de survivre seul, sans le moindre soutient ? Pour dire la vérité, personne. Personne ne pensait qu’il était capable de cela. Mais en revanche, tout le monde s’en moquait.
Et pourtant, Ri Shin connu un tout autre destin que celui auquel on le prédestinait. Ayant acquis une rage démesuré à l’encontre de ceux qui étaient considérés comme ses « semblables », il n’hésita pas un seul instant à rejoindre les rangs de quelques familles mafieuses et effectuer les tâches les plus sombres au nom de sa propre survie et de sa réussite professionnelle.
Cela porta ces fruits car, à dix-neuf ans à peine, Ri Shin était déjà à la tête de l’un des plus grands réseaux mafieux d’Eliora.