Can I help you ?

(feat Kwon Myung Hee)

La cloche du Palais Rouge retentit six fois dans tout Cair Paravel. Les nuages disparaissaient doucement alors que le soleil commençait à se coucher. Jae Sun était derrière son comptoir, en train d'essuyer une tasse. Il ne pouvait s'empêcher de regarder le soleil descendre tout doucement à travers la vitre. Son carnet à dessin était ouvert à côté de lui sur un portrait de la petite Mary, sa jeune fille adoptive, et d'Eugène, son petit ami.

Une fois de plus, il était épuisé par sa journée. Même si seul la pâleur de son visage pouvait le montrer, il était en train de se rendre malade. Tout cela à cause de son travail. En effet, depuis qu'il avait fondé une famille, il avait décidé de raccourcir un peu les horaires du café. Seulement, son café commençait à avoir beaucoup de succès, et il avait de plus en plus de clients. Et bien entendu, certaines personnes qui avaient l'habitude de venir en dehors de ses nouvelles horaires venaient plus tôt ou plus tard, s'ajoutant à la masse de clients qu'il avait tous les jours.

Il ne s'en plaignait pas, ça non. Il n'oserait jamais. Et puis, il gagnait trois fois plus de sous désormais. Sous qui servaient à prendre soin de sa fille et à faire des cadeaux à son amoureux, mais aussi à faire de grosses économies. Même s'il ne savait pas vraiment quoi faire de cet argent, il pourrait toujours servir le jour où il en aurait besoin. On n'est jamais à l'abris d'une crise, après tout...

Mais chaque jour, chaque heure, chaque minute, chaque seconde, la fatigue qui s'emparait de lui se faisait ressentir de plus en plus. Après sa journée, il revenait en se forçant à paraître en pleine forme devant Mary et Eugène, faisant tout pour oublier son épuisement et pouvoir s'amuser et s'occuper un peu de sa famille. Mais il avait de plus en plus de mal à se lever le matin, à porter sa fille dans ses bras, à se montrer dynamique et enthousiaste. Il avait même fini par arrêter de dessiner quand il travaillait, alors que c'était son seul hobby. Il ne pouvait plus le faire, puisqu'il passait son temps à courir entre les tables et le comptoir.

Il n'en pouvait plus. Cela devenait de plus en plus insupportable. Que faire ? Il ne pouvait pas arrêter de travailler, c'était impossible. Ce métier était trop important pour lui. Il ne pouvait pas non plus raccourcir ses horaires une seconde fois, cela ne ferait qu'empirer les choses. Alors que faire ? Il n'avait plus qu'une solution : recruter quelqu'un pour l'aider. Il ne voyait que ça. Mais est-ce que quelqu'un voudrait bien travailler avec lui, au moins ?

Le barista regarda l'horloge. Plus qu'une demi-heure de travail. Après, il pourrait enfin fermer. Cette fois, arriverait-il à cacher son épuisement à sa famille ? Mais alors qu'il était perdu dans ses pensées, la clochette de la porte retentit. Instinctivement, il releva les yeux et regarda la jeune femme qui venait d'entrer. C'était la première fois qu'il la voyait. Immédiatement, il chassa de sa tête la fatigue qui le submergeait et lui fit un sourire accueillant.

- Bonsoir mademoiselle. Je peux vous aider ? dit-il chaleureusement.

La jeune femme vint s'assoir sur un tabouret devant le comptoir. Jae Sun détailla son visage de plus près. Vu ses traits, elle avait l'air jeune. Enfin, c'était sans compter ses yeux rouges de fatigue. On aurait pu croire qu'elle n'avait pas dormi depuis plusieurs jours. Que pouvait-elle avoir fait pour être dans cet état ?

- Oh, effectivement, vous avez l'air fatiguée... Ne vous inquiétez pas, je vais vous donner de quoi vous requinquer, lui dit-il en souriant.

Immédiatement, il alla préparer une boisson pour la jeune demoiselle. Elle avait besoin d'énergie, mais il ne voulait pas lui faire un café trop fort de goût. Lui même avait parfois du mal à en avaler. Réfléchissant rapidement aux cafés les plus fort en caféine, il décida donc de lui faire un américano. Cette boisson, dont l'arôme était moins forte qu'un simple expresso, avait pourtant un taux de caféine plus élevé que cette dernière. Sans attendre, il se mit donc à préparer avec vitesse et application le café. Mais alors qu'il versait la boisson prête dans une tasse, la jeune femme parla de son dessin... Son dessin... Son dessin ?!? Surpris, il se retourna pour voir la jeune femme, qui tenait son carnet à dessin dans ses mains. Elle l'avait complimenté sur son portrait et avait dit que sa fille était mignonne. Les joues légèrement rosies, il esquissa un petit sourire timide.

- Vous trouvez ? Merci beaucoup, c'est très aimable à vous... Il s'agit de ma fille, Mary. Mais elle est bien plus belle dans la réalité qu'en dessin. C'est dommage, elle n'a pas pu venir aujourd'hui...

Il marqua une pause, se tourna, prit la tasse d'américano et la posa délicatement devant la demoiselle.

- Tenez, voici votre boisson. C'est un américano. J'espère qu'il vous aidera à garder les yeux ouverts.

Il fit un grand sourire, puis se posa sur le seul tabouret présent de son côté, avant de soupirer discrètement. Mon Dieu, qu'il était fatigué! Peut-être qu'il devrait se faire un café lui aussi. Il fit alors rapidement un petit expresso et se remit face à sa nouvelle cliente, sa tasse juste à côté de lui.

- Moi aussi, je suis un peu fatigué ces derniers temps... dit-il en émettant un petit rire. Il faut dire que je court tout seul dans tous les sens ici. À la longue, je ne pourrai même plus tenir sur mes jambes... Je commence sérieusement à avoir besoin d'aide.

D'ailleurs, il fallait aussi qu'il réfléchisse à un moyen de trouver des personnes qui accepteraient de travailler ici avec lui. Déjà, il était sûr et certain qu'il n'irait pas aborder des gens dans la rue. Il n'oserait jamais faire une chose pareille. Et il était hors de question de salir la ville avec des centaines d'affiches. Il y avait sûrement des dizaines de moyens de recruter des gens, mais là, tout de suite, il n'en trouvait aucun. Enfin, de toute façon, ce n'était pas le moment de penser à ça.

Chassant ces pensées professionnelles de son esprit, il reporta son attention sur cette nouvelle venue qu'il n'avait jamais vu auparavant. La même question lui trottait dans la tête depuis qu'il avait vu ses yeux légèrement gonflés.

- Il y a une question que je me pose, mademoiselle. Pardonnez mon indiscrétion, mais... Comment se fait-il que vous ayez l'air si fatiguée ? Auriez-vous un emploi du temps chargé ?

Son regard se posa à nouveau sur son carnet à dessins. Le compliment de la demoiselle l'avait touché, et il avait envie de la remercier. Il eut alors une excellente idée.

- Puisque vous aimez ce portrait, voudriez-vous que je vous dessine ?

Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas pu dessiner quelqu'un dans son café, et il espérait de tout cœur qu'elle accepterait sa proposition.

En disant "sa fille", Jae Sun avait oublié une petite chose : lui et Mary n'avaient que douze ans d'écart. Certes, il n'y faisait pas vraiment attention, mais cela pouvait facilement inquiéter les gens. Bon, ils ont tout de même raison d'être étonné. Être père à douze ans, c'était tout de même... Un peu limite. Il ne se rendit compte de son oubli que lorsque la jeune femme releva la tête et demanda l'âge de sa fille, un air étonné peint sur le visage.

- Elle a huit ans, dit-il en souriant, avant d'émettre un petit rire. Ne vous inquiétez pas, je ne suis pas son père génétique. Je l'ai adopté récemment. Excusez-moi, j'ai l'habitude de dire que je suis son père sans donner de détails.

Il devait l'admettre, il préférait de loin dire "père", tout simplement. Même s'il avait adopté sa petite princesse assez récemment, il la considérait déjà comme sa propre fille. Il l'aimait, la chérissait, la protégeait, jouait avec elle comme si elle avait toujours fait partie de sa vie. Si bien qu'il finissait par oublier très souvent le terme "adoptif". Il ne voulait pas qu'on l'appelle comme ça. Alors il le disait le moins possible.

La cliente commença ensuite à "vider son sac". Le barista en fut agréablement surpris. Elle semblait plutôt bavarde, ce qui le fit sourire un peu plus. Cette femme avait vraiment l'air sympathique. Contrairement à ce qu'il pensait, elle était épuisée, non pas parce qu'elle avait un emploi du temps chargé, mais parce qu'elle s'ennuyait. Ce n'était pas courant, ça... Apparemment, elle souhaitait cesser de faire des petits travaux partout et avoir un vrai travail.

- Ah, ça... Vient toujours le moment où il faut commencer à travailler à plein temps. Je suppose qu'il y a plus d'avantages, mais aussi plus d'inconvénients. Enfin, je dois avouer que je n'ai jamais fait de petits boulots, alors, je ne sais pas réellement comment cela se passe.

Finalement, elle avait accepté de le laisser la dessiner. C'est donc tout joyeux qu'il tourna les pages de son carnet jusqu'à en trouver une vierge et qu'il le mit face à lui avant de prendre son stylo et de sourire une nouvelle fois à sa cliente.

- Promis, ce ne sera pas long.

Alors qu'il commençait à tracer un rapide croquis, il remarqua qu'elle était en train d'essayer de garder une pose. Mais elle finit rapidement par éclater de rire. Et le Spirit en fit de même. Pourquoi ? Il ne le savait pas. C'était probablement nerveux. En effet, il n'a jamais dessiner quelqu'un en train de poser. Il était tellement habitué à dessiner les gens selon sa mémoire qu'il avait finit par préférer les dessiner au naturel, parfois sans qu'ils ne le sachent.

- Vous n'êtes pas obligée de rester immobile, dit-il en rigolant. Soyez juste naturelle, je n'ai pas besoin de plus. Vous êtes très bien telle que vous êtes.

Le croquis finit, il commença à faire les contours du visage, puis du corps, avant de commencer à faire les détails. Il avait finalement décidé de la dessiner en train de rire, car il était presque sûr que c'était là ce qui pouvait la mettre le plus en valeur. Tout en continuant de noircir sa feuille, il posa une question à la jeune fille, non sans relever les yeux de son travail.

- Dites-moi, cela vous intéresserait-il d'être serveuse ?

Spoiler:

Eh bé... C'était bien la première fois que Jae Sun parlait autant de sa vie à une cliente. Certes, il n'avait parlé que de sa fille et du fait qu'il l'avait adopté, mais pour lui, c'était déjà beaucoup. Jamais il n'avait parlé ainsi avec une personne qu'il rencontrait pour la première fois. Les seuls clients qui avaient fini par en savoir beaucoup sur sa vie était Eugène (qui est devenu son petit-ami), et Hyun Ki (avec qui il dessinait de temps en temps). Et encore, il avait fallu du temps. Mais comme ça, dès la première rencontre... Ça faisait bizarre. Certes, il chipotait, mais ça faisait bizarre. Enfin... Il y a un début à tout, n'est-ce pas ?
Le barista ne pût s'empêcher de sourire face à la remarque de cette jeune femme. Même si ce qu'elle venait de dire était quelque peu narcissique, elle avait le mérite d'être franche. Et puis, au fond de soi qui ne l'était pas un peu ?

- Mieux vaut être franc, après tout. Et puis, vous êtes bien loin d'avoir tort.

Le Spirit continua le portrait, qui prenait peu à peu forme. Il le faisait avec réalisme, en pensant cependant à adoucir ses traits tirés par la fatigue. Plus il dessinait, plus il se rendait compte à quel point cette femme était belle.
Lorsqu'il lui demanda si être serveuse l'intéresserait, la cliente se stoppa net pendant quelques secondes. Jae Sun la regarda, soucieux. Avait-il bien fait de lui poser cette question ? Était-ce une bonne idée ? Ou pas ? Durant quelques secondes, il regretta ses paroles. Mais la réponse de son interlocutrice le rassura immédiatement. Ouf, il n'avait pas l'air d'avoir fait de faux pas! Une petite lueur d'espoir scintilla au fond de son cœur. Peut-être accepterait-elle de travailler avec lui... Non, pas pour lui, avec lui. Il préférait le dire ainsi. Il n'était pas un patron, et il n'avait pas la moindre envie d'être au-dessus de qui que ce soit. C'est donc avec espoir qu'il répondit à la jeune femme :

- Oui, je commence à vraiment avoir besoin d'aide pour servir les clients. Si vous avez quelques difficultés au départ, je pourrai toujours vous apprendre et vous aider.

Les yeux brillants, tout sourire, il lui tendit la main et posa donc la question suivante :

- Voudriez-vous travailler avec moi, mademoiselle ?

Il termina rapidement le dessin, et s'arrêta un instant pour contempler ce qu'il venait d'achever. Il l'avait dessiné telle qu'il la voyait, dynamique, directe, et souriante. Elle était vraiment magnifique. Le sourire de la jeune femme avait été parfaitement reproduit. Ainsi, accoudée au comptoir, souriante, la tasse de café entre ses doigts, elle semblait être la même, mais vue d'une manière bien plus admirative.
Satisfait, il retourna son carnet pour lui montrer son portrait.

- Je crois que j'ai fini. Cela vous plaît-il ? demanda-il en souriant.

Jae Sun sourit lorsque la jeune femme complimenta son dessin. Il aimait bien lorsque les gens trouvait son travail réussi. Dans un sens, cela voulait dire qu'il s'améliorait peu à peu. Mais il aimait recevoir des critiques en général, qu'elles soient positives ou négatives. Jamais il ne les prenait mal, car elles l'aidait à améliorer sa façon de dessiner. Et pour ses boissons, c'était la même chose. Il n'hésitait pas à adapter les doses en fonction des goûts de ses clients. On ne pouvait pas faire les choses parfaitement bien du premier coup, le barista le savait depuis qu'il était petit. Alors il avait fait en sorte de s'améliorer en travaillant de différentes façons, pour trouver celle qui lui convenait le mieux, et désormais, il s'entraînait, et restait debout face aux victoires comme aux échecs.

- Je suis ravie qu'il vous plaise. Mais vous n'avez pas à être jalouse. Si le dessin est réussi, c'est surtout parce que vous êtes très jolie, dit-il calmement en souriant.

Cependant, il manqua de sautiller de joie sur place face aux paroles suivantes de son interlocutrice. Elle avait accepté! Elle voulait bien travailler avec lui! Intérieurement, il criait de joie et sautait dans tous les sens. Il était ravi! Et même plus, il était euphorique! Mais, comme tout bon gentleman qui se respecte, il garda son self-control, même si son regard pétillant et son sourire trahissait sa joie.

- Je ne sais vraiment pas comment vous remercier, mademoiselle. Pour les bases, ne vous inquiétez pas, je vous expliquerait tout, et si vous avez du mal pour quoi que ce soit, je vous aiderai, dit-il avec le sourire, tout heureux.

Et, posant son carnet sur le comptoir, il lui tendit la main en faisant son éternel sourire d'ange.

- Au fait, puis-je savoir votre nom ?

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