« Il faut mille fois mieux être crains que aimé. »
-Nous ne pouvons rien pour elle…
-Alors nous la laissons s’éteindre d’elle-même ?
-Ca ne tardera pas… Et puis, entre nous, ça ne fera que libérer cette pauvre enfant, son âme est tellement souillée.
-J’ai entendu dire qu’elle était la responsable de cette horrible tragédie.
-Bien sûr et elle ne l’a pas supporté… De ce fait… Elle a tenté d’en finir…
-Qui pourrait vivre avec un tel poids sur les épaules ?
-La fille n’est pas saine, la folie l’a mené à cet acte.
-Et si elle survit ?
-Je ne l’espère pas, elle est dangereuse et instable…La jeune femme considérée comme dangereuse n’avait malheureusement pas répondu aux attentes des médecins de l’hôpital. Elle avait survécu à ses blessures graves et demeurait désormais entre ces quatre murs. Dans l’accident, elle avait perdu la mémoire et n’avait plus aucune connaissance de sa vie d’avant ni même de sa propre identité. Quotidiennement, elle voyait l’un des médecins de l’établissement pour communiquer avec lui et essayer de se construire une nouvelle identité. Elle avait été nommée Lee Ae Ri et son âge avait été estimé à 15 ans. Elle était originaire de Corée du Sud et vivait à Busan. Ses parents avaient été torturés et tués par la jeune fille en question mais le médecin n’avait jamais voulu préciser la manière à l’adolescente. Il y avait des éléments qu’il préférait laisser sous silence de peur de n’attiser le mal qu’il considérait en train de sommeiller à l’intérieur de la brunette. Selon ce médecin, l’amnésie de la jeune fille était un moyen pour que cette dernière guérisse. Ne pouvant se souvenir de son propre nom, elle ne pourrait donc pas se souvenir de sa propre folie. Ses réflexions s’étaient peut-être avérées justes.
« Si le monde n'a absolument aucun sens, qui nous empêche d'en inventer un? »
Les années passèrent et la jeune Ae Ri grandit sans aucun problème, son état mental s’était « amélioré » et était revenu à la normal. Ses souvenirs quant à eux avaient été rétablis, enfin, les positifs uniquement. Néanmoins, l’ancienne malade n’était toujours pas capable de se souvenir d’elle-même.
Parfaitement saine en apparence, le médecin se félicitait de ses conclusions correctes et pensait avoir trouvé là, un moyen de combattre la folie. Il avait peut-être fanfaronné beaucoup trop vite…
-Ae Ri ! Tu étais sur le chemin de la guérison, tu avais oublié ta folie !! Pourquoi sombrer de nouveau ?!Le médecin était allongé au sol où son sang ne cessait de se répandre. La jeune Ae Ri, désormais âgée de 20 ans, le contemplait de son regard le plus froid. Cela ne lui ressemblait en rien, elle qui était douce, joviale et amicale en général. Cet être qui se trouvait face au médecin, n’était pas Ae Ri, ce regard sombre, ce sourire sadique et ce couteau ensanglanté, braqué sur lui… Ae Ri n’était pas ainsi… Le médecin s’était-il donc trompé ? La folie d’Ae Ri n’était pas disparue ? Elle pouvait se réveiller à tout moment ? Il resongea alors aux propos de ce collègue qui avait dit espérer que cette dernière décède le jour de cette tragédie. Son collègue avait raison, elle aurait dû y rester, elle était trop dangereuse pour ce monde. Ce fut sur ces dernières pensées que le médecin quitta notre monde et s’éteignit pour de bon, succombant aux nombreux coups de couteau qui venaient s’enfoncer avec brutalité dans sa chaire. Il eut mal mais pas bien longtemps, le cœur avait été touché de plein fouet, heureusement pour lui.
La jeune meurtrière était couverte de sang et n’avait aucune idée de ce qu’il s’était passée, elle était juste effrayée, elle avait repris ses esprits après la mort du docteur et s’était donc retrouvé face au corps plus que mutilé du médecin. Elle avait pleuré, crié d’effroi puis s’était enfuie en courant. Elle aurait dû chercher de l’aide mais totalement déstabilisée, l’idée lui était passée par la tête. Elle ne faisait que courir lorsqu’une petite voix dans sa tête raisonna : « c’est le moment d’être libre Ae Ri. »
La liberté… Un doux goût dont elle n’était même plus sûre de la saveur et pourtant, cela lui semblait tellement alléchant. De plus, elle trouverait plus facilement de l’aide en dehors.
La jeune fille secoua frénétiquement la tête, comme pour chasser cette petite voix beaucoup trop tentante. Elle ne pouvait pas faire ça, on ne lui avait pas donné la permission ! Alors que la demoiselle était en train de se combattre avec ses pensées intérieures, une chose brillante au loin attisa sa curiosité naturelle. Elle l’attirait et Ae Ri était beaucoup trop faible pour résister à sa curiosité. Elle fut guidée à l’extérieur du bâtiment et continua d’avancer là d’où l’éclat provenait. Plus elle approchait et plus l’éclat l’aveuglait. Elle ne savait pas vraiment où cela allait la mener mais au fond d’elle, elle était convaincue que c’était son devoir de se diriger vers cette lumière. Une fois en son contact, la lumière aveuglante se transforma en obscurité et Ae Ri toute entière fut engloutie par cette dernière.
« J’ai entendu dire que quand on est perdu le mieux à faire c’est de rester où on est et d’attendre qu’on vienne vous chercher, mais personne ne pensera à venir me chercher ici. »
Les yeux d’Ae Ri s’ouvrirent doucement, elle était allongée sur une pelouse verdoyante et fortement parfumée. Ses vêtements étaient arrachés à certains endroits et ses coudes éraflés. Ses cheveux quant à eux étaient en bataille et comportaient quelques brindilles. La jeune fille se releva difficilement et se mit à observer les lieux. De grands champignons peuplaient la pelouse, il arrivait même que parfois ils soient plus grands que les arbres eux-mêmes. Les fleurs étaient pourvues de visages et discutaient entre elles.
Tout cela n’était pas normal et la brunette pensa rêver, ce monde était si étrange, il ne pouvait pas exister en vrai. Elle se donna don une bonne gifle pour vérifier si elle n’était pas en train de rêver mais la douleur vive qui se fit sentir lui prouva qu’elle ne l’était pas. Alors qu’Ae Ri allait visiter les lieux pour essayer d’en savoir davantage afin de trouver des réponses à toutes les questions qui naissaient dans sa tête, une personne apparut de nulle part devant elle. Il s’agissait d’un garçon mais élément intéressant, il était pourvu d’oreilles et d’une queue de chat.
-Te voilà enfin Lee Ae Ri, lui dit le jeune homme, la regardant de ses yeux malicieux et de son sourire le plus large.
-Comment connaissez-vous mon nom ?! S’exclama la demoiselle qui était quelque peu apeurée par l’homme étrange qui se trouvait devant elle. Son expression était un peu effrayant, ce grand sourire et ce regard malicieux, ne lui disait rien qu’il aille… Il avait l’air d’un psychopathe.
-J’attendais que tu reviennes Ae Ri. Ici, je suis ton seul allié et cela va de même pour moi.
-Je ne vous connais pas !
-Oh que si tu me connais, tout au moins, le toi le plus enfoui…
-J’ai dit ne pas vous connaître et je ne suis jamais venue ici !
-Tu es revenue parmi les tiens Ae Ri, tu es ici chez les fous.
-Mais je ne veux pas vivre en compagnie de fous !
-Tu n’as pas vraiment ton mot à dire, ta place est ici. Nous sommes tous fous à cet endroit. Je suis fou. Tu es folle.
-Comment pouvez savoir que je suis folle ?! Je ne le suis pas !
-Tu ne peux que l’être sinon tu ne serais pas ici…L’homme chat s’était retrouvé à côté d’elle sans qu’elle ne s’en aperçoive, il était rapide et agile et lui parlait désormais près de l’oreille, d’un ton bas et trainant, comme s’il avait peur de se faire entendre. Cependant, sa voix avait quelque chose d’enchanteur et de charmeur, il donnait envie qu’on l’écoute et Ae Ri était subjuguée à peine, il ouvrait la bouche.
L’homme chat ou plutôt Choi Shi Young avait parlé durant une longue période. Plusieurs heures s’étaient sûrement écoulées mais grâce à lui, Ae Ri avaient appris beaucoup d’éléments et savait qu’elle pouvait lui faire confiance. Quelque chose en elle, le lui indiquait, peut-être son elle-intérieur le plus profond, comme il l’avait fait remarqué. Puis un sentiment de certitude naquit en elle… elle était persuadée de connaître cet endroit et bizarrement l’éventualité de vivre ici ne lui posait aucun problème, au contraire.
Désormais, sa vie ne regardait qu’elle et plus personne ne pourrait lui dicter quelle conduite adopter. Elle était enfin devenue maître de son destin et il semblait qu’on la comprenait enfin.
« Je vais vous confier un secret, la plupart des gens bien sont fous. »