Mary est une enfant.

De cette simple constatation, il est facile de s’attendrir aux traits ronds de la petite créature, de la prendre en affection. Et Mary vous le rendra bien. Une jolie poupée tournant sous la pluie en riant aux éclats, faisant tourner sa jolie petite jupe alors que deux hommes la regarderaient avec amour avant de la reprendre sous leur giron pour la protéger de l’humidité. Mais un sourire resterait graver sur le visage de la pouponne. Le sourire de la joie, du bonheur, de l’enfance. Mary est jeune, seulement huit ans, son immaturité se lie sur ses traits juvéniles mais aussi toute l’innocence de l’enfance. Joyeuse, souriante, voilà ce qu’était principalement l’enfant, un petit rayon de soleil qui irradiait d’espoir. Et de l’espoir elle en avait à revendre ! Elle avait gardé foi en la vie et avait attendu avec une grande patience que quelqu’un vienne l’emmener, l’adopter. L’aimer. Mary avait prouvé qu’elle savait être patiente, optimiste. Tout ne pouvait allait que pour le mieux, elle croyait dans les fins heureuses ! C’était sans doute l’un des plus grands luxes qu’elle avait réussi à obtenir durant toute sa vie à l’orphelinat.

Certes, il arrive à l’enfant d’avoir des moments de faiblesses mais comme tout enfant qui se respecte, Mary a besoin de repères, de modèles pour pouvoir grandir, évoluer au sein de cette société. Alors oui, la petite supporte mal la solitude et ressent un besoin constant de parler pour tenter d’attirer l’attention des adultes sur elle. Quelle joie quand elle se fit adopter enfin ! Même si c’était par deux hommes, peu lui importait. On lui offrait la chance d’être aimé et l’un de ses deux parents étaient son frère tant aimé. C’était parfait. L’enfant commençait donc son cheminement vers une grande ouverture d’esprit et un grand aspect de tolérance.

Oh bien entendu, Mary est loin d’être parfaite ! Après tout, à huit ans, il y avait encore tant de chose à découvrir. Un peu casse-coup, un peu têtue. Certes, l’enfant savait être sage quand ses deux parents étaient là mais elle vivait dans un monde merveilleux alors l’exploration lui donnait terriblement envie. Et puis se faire des amis était une chose des plus merveilleuses ! Malheureusement, la naïveté de Mary était évidente et elle avait tendance à offrir sa confiance à n’importe qui tant que cette personne semblait aimable et gentille ! Et si en plus il y avait une possibilité d’avoir une peluche, Mary vouait un véritable culte à l’individu. Et même si Mary était une petite fille intelligente, elle restait une petite fille boudeuse qui n’aimait guère que l’on la rabroue. Mais pour faire plaisir à ses deux papas, la petite n’hésitait pas à redoubler d’effort pour les aider. Après tout, on ne savait jamais, peut-être qu’un jour ils ne l’aimeraient plus.

Mary est une enfant. Indéniablement, il lui reste la vie devant elle. Des aventures à vivre, des expériences à ressentir, l’éclosion de nouvelles sensations. Mais au contraire d’avoir peur, l’enfant sourit fièrement en tenant les mains de ses deux pères en fixant cet avenir qui s’offre à elle et embrasse son futur elle avec autant d’amour et d’espoir que le cœur innocent de l’enfance peut offrir.

 
« Mary, tu es l’amour de ma vie. »

C’était une simple phrase, le simple reflet de mots qui lui avaient été susurré dans son enfance. Pourtant même si l’enfant, du haut de ses huit automnes, arrive à imaginer un ton doux – sucré peut-être ? – et un sourire dont les baisers ont mille fois recouvert le front de la petite créature, Mary n’arrive pas à discerner les formes de ce visage, le son de cette voix, les traits de cet être. C’était une femme, elle en était sûre. Mais Mary n’arrivait pas à se rappeler de quoique ce soit d’autre. Sans doute devait-elle l’aimer ? Mary ignorait la raison de sa présence dans l’orphelinat, la seule chose qu’elle avait appris c’était que la petite pouponne de deux ans qu’elle était avait été retrouvée seule dans un parc. Seule, au milieu de ces innombrables enfants qui couraient vers les bras de leurs parents.

Les pleurs de Mary avaient alertés les adultes. La petite Mary, habillée d’une petite salopette et avec deux petites couettes, tenant une petite balle. La petite Mary, si seule. Abandonnée.

Alors l’enfant avait salué les bras d’Eugène comme salvateur.

La raison de son abandon ? Tout le monde l’ignore et tout le monde le sait mais ne le dit pas. Ou du moins, je peux vous le murmurer doucement. Tout bas pour que seul vous puisse m’entendre … Je ne tiens pas à avoir des problèmes avec ces personnes-là. Mais c’est un scénario simple à comprendre. Ce qu’avaient fait les parents de Mary pour en arriver là, je l’ignore et je ne suis pas assez fou pour fouiller dans leur passé. Mais je peux aisément vous dire comment ils ont disparu … Il suffit de voir avec quelle vitesse ils ont déposés leur petite fille dans un petit bac à sable où jouaient déjà deux petites filles, à la vue de tous et comment ils ont embrassé leur fille. Pour certains, c’était beau, une preuve d’amour chaleureux, le trésor de leur vie. A mes yeux, c’était déchirant. Ce n’était en rien des parents qui encourageaient leur fille à s’amuser par des marques d’affections débordantes, mais bien des adieux. J’eus mal pour eux. Puis l’homme tira sa femme qui ne quitta pas des yeux l’enfant jusqu’à ce qu’elle disparaisse rapidement de sa vision. Mary était trop jeune pour se rendre compte de quoique ce soit.

Et ces pauvres malheureux avaient été engloutis à jamais par les ombres d’Eliora.

Oh. Je ne peux que saluer leur ingéniosité. L’enfant avait été mise en sureté dans un lieu public et bientôt elle disparaitrait totalement de cette vie qu’elle avait toujours connue. La laissant seule.

J’ai souvent observé Mary. Elle n’avait rien d’une méchante petite fille et avait rapidement accepté son sort. Avait-elle seulement d’autre choix ? Se rappelait-elle seulement de ses parents, outre cette phrase qui lui restait gravé dans le cœur ? Je m’étais toujours demandé si Mary se souvenait de l’amour de ses parents et si elle les aimait encore. Tout ce que je pouvais affirmer, c’était qu’elle recherchait désespérément cet amour filial. Il n’était pas rare de voir la petite se hisser sur la pointe des pieds pour fixer l’extérieur de l’orphelinat, regardant le passant en souriant. Elle aussi aurait le droit un jour de tenir la main de ses deux parents en souriant, en se balançant. Elle en était persuadée.

Alors Mary les attendait de pied ferme et accourait pour les accueillir, avec ce même espoir au fond de son cœur, son visage rayonnant.

« Bonjour, vous êtes venu pour adopter ? »

Une voix fluette, chantante. Priant chaque fois pour que ce soit elle l’heureuse élue. Et un nombre incalculable de fois, alors qu’elle agitait vaguement sa main pour dire au revoir au chanceux, elle se jetait dans les bras de son gardien pour pleurer de tout son saoul. N’y avait-il rien de pire que de craindre de n’être jamais aimé ? Oh bien entendu, elle savait qu’Eugène l’aimait, peut-être même plus que les autres enfants … Mais quand elle le suppliait de la prendre sous son aile, elle essuyait toujours le même refus. Ce n’était pas possible, ce n’était pas envisageable. Malheureusement.

Alors doucement, la petite Mary serrait la main de ce grand frère tant aimé et ravalait ses larmes. Elle était jeune. Elle pouvait encore trouver des parents avec qui partager sa vie.

Qui aurait cru ce qui lui arriva ? Pas même moi. Pourtant je ne peux m’empêcher de sourire tendrement devant son bonheur enfin arrivé. Un jeune homme, souriant, apportant du chocolat. Son espoir. Son papa. Celui qui fit le choix de la prendre elle, de lui tendre son cœur, de l’aimer, la protéger, l’éduquer, partager sa vie avec … Il n’y avait rien de plus beau que l’amour d’un parent envers son enfant. Alors quand Eugène, son merveilleux Eugène, s’agrandit à sa famille, Mary fut heureuse.

En tenant la main de ses deux papas, doucement, elle fit son premier pas hors de l’orphelinat. Elle se retourna une fois, fixant les autres qui lui faisaient au revoir … Elle n’agita pas vaguement la main. Mary sourit. Un si beau sourire. Avant d’agiter la main vivement.

Elle avança. Un pas devant l’autre. Se promettant de revenir.

I’m on my way.